Quitter la prison dorée des réseaux sociaux demande des efforts...

Pour être franc, il n’y a pas de plateforme sociale centralisée éthique sous le capitalisme. Ni les plateformes que nous avons aujourd’hui, ni celles qui pourraient voir le jour demain.

Lorsque nous essayons de quitter leurs jardins clos, il devient plus difficile de rester en contact avec les personnes que nous aimons. Avons-nous la capacité et l’énergie d’essayer de combler ce fossé par nous-mêmes?

Article original en anglais: How social networks prey on our longing to be known (Comment les réseaux sociaux exploitent notre désir d’être connus)

Par le passé, alors que je travaillais encore comme journaliste, j’ai souvent voulu expérimenter les nouveautés (le Twitter des débuts, les blogs Wordpress, Blogger, Pinterest, Facebook, Flickr pour les plus célèbres) et créé des comptes sur de nombreuses plateformes, avant de les fermer ces dernières années.

Au revoir Facebook, Twitter, Flickr, Linkedin, Youtube et Instagram parmi d’autres. Certaines ont été remplacées par des pendants plus libres: Pixelfed pour les images, Peertube pour les vidéos et Mastodon aussi bien sûr. Mais je garde surtout mes blogs, comme bikinvalais ou micro.faiss.com et cette petite expérience avec Listed, qui me permet de publier directement depuis le logiciel de notes Standard Notes.

Avec d’autre plateformes, je pense ici à Whats’app, c’est plus compliqué et la phrase “lorsque nous essayons de quitter leurs jardins clos, il devient plus difficile de rester en contact avec les personnes que nous aimons”, résonne en plein. Certes, une parti de ma famille a basculé sur Signal. Mais pour les autres, les clubs sportifs et autres groupes d’amis, c’est plus difficile. On peut essayer de les inciter à changer discrètement, mais sans trop insister non plus. Qui suis-je pour exiger et poser des ultimatums?

Strava, le jardin des sportifs

Et puis il y en a d’autres où c’est possible, mais difficile, justement en raison de “notre désir d’être connus”. Je pense ici à Strava, une plateforme qui est devenue un vrai réseau social de sportifs et personnes actives. J’y suis depuis plus de dix ans et m’y étais inscrit car c’était d’abord un carnet d’entraînement bien pratique qui tenait à jour mes progrès et performances sur des parcours “témoin”. Plus besoin de noter ses progrès et meilleurs temps dans un carnet ou une feuille de calcul. Strava faisait tout cela tout seul. Et comparait avec d’autres sportifs passés au même endroit. Avec un classement. Votre liste de performances dans le top 10 ou les KOMs (King of the mountain) vous posaient là, bien visible au yeux de vos “amis” pouvant vous féliciter par la distribution de “kudos”. Alors que je coordonnais la petite équipe de rédacteur du magazine disparu “Vélo Romand” je voulais certainement aussi montrer que je “roulais” et que je m’estimais légitime à écrire sur le vélo.

Bref, Strava ne fait pas exception. Tous les ingrédients pour une utilisation addictive sont réunis: partage de ses activités, de sa vie, recherche de “likes”, notifications et difficulté à quitter une “communauté” de centaines de personnes construite au fil des ans par cette compétition permanente avec vous-même, vos “amis” et des inconnus. Le tout permet à la plateforme de récolter des données, énormément de données, vos données, et de le vendre.

Quitter Strava en “strävant” ?

J’ai souvent songé à quitter Strava, avant d’y renoncer et d’y redoubler d’activité, pour toutes les raison qui font que cela est difficile d’y renoncer. Pensez donc, quatre pages de KOMs et plus de 20 de “Top 10”! Quel palmarès au vu de tous.

C’est oublier ce que je répète souvent: une compétition, c’est tout le monde au départ, avec un dossard, le même jour, dans les mêmes conditions. Mais il est tout de même difficile de renoncer à cette flatterie de l’ego que représente un KOM, même acquis par une tempête de vent dans le dos…

Ces derniers jours, j’ai passé toutes mes activités, quelques milliers, en “privé”. Cela m’a exclu des classements publics et le plus dur est certainement fait avant de boucler mon compte. “Strava” vient du suédois “sträva”, qui signifie “s’efforcer de, lutter, se battre” et implique un certain effort. Même pour y renoncer.

Cette fois, je crois que c’est en bonne voie.

Joakim Faiss @jokef